mardi 1 avril 2008

les dits de Sibony

Euthanasie

La femme[1] qui a demandé à la justice d'autoriser son médecin à la faire mourir a posé un acte singulier dont l'intérêt dépasse la gestion juridique des fins de vie.

Cette femme a subi l'attaque d'une maladie incurable, invivable, qui aussi la défigure c'est-à-dire lui fait vivre un effondrement narcissique; on se reconnaît à son visage, et le sien lui imposait de se voir devenir autre, complètement autre; de ne plus pouvoir se reconnaître. C'est un malheur de plus, qui s'ajoutait à celui d'une mort imminente.

Or elle avait une certaine motilité, donc elle pouvait, comme d'autres, mettre fin à ses jours par une surdose de somnifères. Ce n'est donc pas l'acte de mourir qui lui faisait problème. Elle voulait autre chose. Peut-être voulait-elle que l'instance de la loi reconnût sa souffrance et lui dît une parole de consolation: oui, tu souffres trop, c'est inhumain, on comprend que la médecine t'aide à en finir, on ne dira rien au médecin, ta souffrance est plus forte que la loi qui l'empêche d'agir, etc.

Mais la justice, la pauvre justice réduite à gérer les affaires courantes et à pointer les règlements, pas si simples à appliquer, n'a pas l'habitude de symboliser une souffrance, de faire des actes consolateurs. Elle qui peut laisser traîner un procès plus de dix ans et infliger la souffrance de l'attente à des gens qui "meurent" d'injustice, et qui attendent en vain - elle ne pouvait que renvoyer au règlement. Ce qu'elle a fait.

Ceux qui demandent à la loi d'autoriser formellement l'euthanasie disent surtout leur angoisse de décider eux-mêmes de leur mort. Ils demandent que la loi les protège, les prenne sous son aile. C'est une demande émouvante, audible, mais pas facile à industrialiser. La traiter au cas par cas n'est pas si bête.

Vouloir faire de cette demande une loi, cela séduit les esprits simples, mais ce n'est pas sans problèmes. D'abord cela supprimera les "demandes" puisque la chose se fera automatiquement; alors que cette femme a eu tout de même la compassion d'un pays entier.

Sans parler des effets pervers de la loi, où l'on tuera à tour de bras en se sentant "couvert". Il est vrai que ces effets pervers existent déjà, même sans la loi…, et qu'il y a des services où l'on nettoie sans état d'âme.

2 commentaires:

  1. Je ne partage pas votre point de vue : pour réussir : quelle dose de somnifère ? quel nom ?
    Encore une fois seuls ceux qui ont la connaissance, le pouvoir, des connaissances aussi peuvent mettre en oeuvre ce projet de mort en douceur. Mme Jospin savait, elle avait les bons produits ; elle a pu choisir sa mort et préparer ceux qu'elle aimait. Pour les autres, il reste la mort violente avec ses horribles conséquences pour ceux qui doivent assurer l'après.

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  2. rappel
    ce n'est pas "mon" point de vue mais celui de Daniel sibony

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